« À vos rangs, fixe ! » : le Bib Colo, cinq galons dorés, képi en velours rouge, fait son entrée au Point K. C’est notre deuxième amphi officiel depuis notre retour à l’École. On ne sait pas trop à quoi s’attendre et nous allons passer de l’étonnement à la sidération.
Voilà un quinquagénaire affable et à la voix douce qui va méticuleusement passer en revue toutes les MST (l’expression n’existait pas encore à l’époque) devant trois cents élèves médusés dont la moitié au moins étaient puceaux. Effrayés qu’ils étaient, un bon nombre a dû le rester, puceau, pendant toute la durée à l’École.
Commençons par les toutes premières phrases de leurs introductions :
« J’ai à vous entretenir de quelques questions de physiologie et d’hygiène générale qui touchent directement la conservation de votre organisme et de votre santé -voire leur amélioration- pendant votre séjour à l’École Polytechnique. […]
« Indépendamment de quelques sujets précis que je traiterai, je veux aussi et surtout attirer votre attention sur deux points :
« Le premier est le suivant : vous sortez du lycée pourvus d’une culture scientifique hautement spécialisée dont le test du concours d’entrée à l’École Polytechnique a affirmé l’ampleur et l’élévation, mais vous êtes également à l’entrée de votre existence et il vous reste à apprendre aussi une chose considérable qui est LA VIE…»
Une petite diversion sur les soins dentaires : […]
Quelques conseils vestimentaires et de comportement : […]
Un petit extrait sur les maladies vénériennes :
« D’abord et avant tout : l’urétrite blennorragique (synonyme: gonococcie, blennorragie, chaude pisse, casta piane, etc.), maladie vénérienne par excellence. » […]
« Au début de ces symptômes, un coup d’oeil au niveau du méat urinaire permet de constater que la pression délicate du gland entre deux doigts fait sourdre une sérosité louche d’abord, qui ira en se colorant en jaune, puis en vert, ceci dans l’intervalle des mictions et surtout le matin, après le repos nocturne. »
« Comment se protéger des maladies vénériennes ?
«…la chasteté est une solution, mais ce n’est pas une solution idéale. Cette attitude trop prolongée risque de renforcer, en ce qui concerne le caractère, un complexe de crainte et de timidité, et de créer des états de refoulement.
Le sexe entre en compétition avec l’intellect : […]
Puis une grande tirade sur les relations sexuelles :
« Le choix de la partenaire : ne pas apporter de hâte excessive pour franchir ce pas.
« L’adulte jeune, qu’une vie studieuse a écarté du monde, doit y faire son entrée. Il faut qu’il s’habitue progressivement au commerce des femmes, mot employé dans le sens le plus large et le plus honnête, qu’il apprenne à se présenter, à leur parler avec aise, sans rougir et même avec esprit et brio.
« Ne pas parler mathématiques ou analyse aux femmes même jeunes. Si elles vous écoutent, malgré cela, ou ce sont des raseuses, ou elles dissimulent fortement leur ennui avec une solide arrière-pensée qui ne présage rien de bon. » […]
« Votre inexpérience totale en ce domaine ne vous donne pas le droit de protester contre un état de fait. Toute femme qui a eu plus de trois partenaires différents a une bonne chance de rencontrer le gonocoque et d’être contaminée.
« Encore une fois c’est là l’exposé d’un état de fait qui est présenté, non pas pour servir d’épouvantail, mais simplement pour exposer la réalité. » […]
Et le Bib-colo de terminer, avant de conclure par une recommandation certainement nécessaire pour conserver et améliorer la « race » polytechnicienne : […]