La mili disposait d’un barème standard pour distribuer les sanctions qu’on appelait des « crans » dont l’unité de mesure, non déposée au Pavillon de Breteuil, était le Jour d’Arrêt.
Le cocon « jasé » devait rester à l’École et n’avait donc droit ni à un LP d’après-midi ou de soirée, ni aux sorties de week-end. Il devait se présenter de temps en temps au binet de ser. Les « jarés » avaient droit au « micral » qu’ils quittaient seulement pour les amphis, les petites classes ou les examens.
La Khômiss avait réussi à se procurer le double (classé « secret-confidentiel ») de la note de service du 3 mars 1965 signée du colonel Vaudable qui précisait ce barème.
On y trouvait par exemple les motifs suivants :
« Absent à un amphi : 1ère fois 6 JAS, 8 la 2ème fois, 4 JARs la 3ème et 8 si autre récidive… »
« Retard compris entre 5 et 30 minutes à une activité, un appel normal, une rentrée : 1ère fois 4 JAS, puis 8 JAS, 4 JARs, 8 JARs… »
« Tenue non réglementaire à l’intérieur : 1ère fois 1 avertissement, puis 2, 4, 6 JAS… »
« Sortie, rentrée (ou tentative) par une voie interdite en tenue civile : 1ère fois 8 JARs puis 12, 15, 20… »
« Absent à un contre-appel : 1ère fois 6 JARs puis 8,12 et 15… »
« Absent à un contre-appel avec mannequin : 8 JARs puis 12, 15, 20… »
Nous ne résistons pas au plaisir de reprendre ci-dessous un extrait du chapitre « L’École vue du Binet de Ser » publié dans La Jaune et la Rouge de juin 1978, qui liste un grand nombre de motifs de punitions, tous garantis authentiques, mais moins standard.
« consigné pour 8 jours, pour avoir manqué à la messe (14/8/1814) »
« 8 jours pour avoir quitté la leçon de chimie pour aller jouer aux échecs dans sa salle d’études »
« 4 jours, pour avoir rallumé sa chandelle après l’heure prescrite (15/9/1814) »
« 8 jours, pour avoir babillé pendant toute la leçon de chimie »
« 8 jours de prison : s’est introduit après l’extinction des feux dans le casernement de la 2ème division, pour y bouleverser des lits
« 15 jours de prison : a été surpris ouvrant une porte avec une fausse clef »
« 4 jours de Salle de Police : était couché à l’amphithéâtre pendant une leçon »
« L’élève de première division Marie est puni de 30 JAR pour le motif suivant : se promenait sur les toits. En portant cette punition à. la connaissance des élèves par la voie de l’ordre, le général entend rappeler â tous que les infractions de cette nature seront punies avec la dernière rigueur dans le but d’éviter un malheur irréparable comme celui survenu en 1924. En cas de récidive, le coupable sera traduit devant le Conseil de Discipline. »
« 8 JAS : s’est introduit dans la chambre du capitaine de service et a enlevé d’une armoire fermée à clef un objet appartenant aux collections de l’École qu’il a porté sur le toit d’un bâtiment »
« 6 JAS : a contribué à introduire des ânes dans la cour du quartier Descartes pendant la récréation »
« 15 JAR : a pénétré dans les locaux disciplinaires au moyen de fausses clefs »
« 15 JAR : lors d’une vérification inopinée des présents, a, par son attitude active, contribué à compliquer les opérations de pointage »
« 4 JAR : a tenté, au cours d’une ronde, de se dérober aux recherches du sous-officier en gagnant le toit du « Joffre » par des gouttières »
Deux, distribués à notre promo, nous ont bien amusés :
« 12 JAR : s’est marié sans la permission du chef de Corps, 1ère fois »
« 6 JAR : a rentré sa voiture dans la cour d’honneur sans passer par la voie hiérarchique. »
Il est arrivé, mais c’était exceptionnel, que la mili tourne à son avantage la possibilité de faire rire toute un promotion. C’est ainsi, cela nous a été rapporté, que dans une situation très délicate, impossible à dévoiler mais qui exigeait une sanction, le coupable a été puni de JAR au motif de « n’avoir pas su sommer une série divergente »