Je ne dors plus depuis deux mois, lorsqu’il m’a été demandé de rédiger la préface du présent ouvrage. Quel honneur ! […]
Tout petit, déjà, je voulais être missaire. Probablement d’ailleurs avant de vouloir être X. Papa m’avait dit : « la Khômiss, ce sont des gens redoutables ». L’idée de passer deux ans à ne faire que des choses interdites me fascinait. Une fois arrivé à Palaiseau -on dit le Plâtâl- quelle ne fut pas ma déception de comprendre que la plupart des traditions qui me faisaient rêver avaient disparu dans le maelström combiné de Mai 68, de l’antimilitarisme de l’époque et d’un déménagement mal préparé en 75 -d’aucuns prétendent que c’était voulu…
La [seconde] raison de mes insomnies est qu’il est d’usage, dans une préface, de parler de l’ouvrage. Et pour en parler, il vaut mieux l’avoir lu.
Son nom de code étant « le Pavé », je redoutais la longue torture consistant à vainement chercher quelque intérêt dans 450 pages de souvenirs, forcément toujours le mêmes, tous plus idéalisés les uns que les autres.
Divine surprise ! J’ai dévoré le pavé. Car si c’est un livre de souvenirs, c’est surtout un vrai livre, un livre qui traite de l’histoire de l’X, pas la « grande » histoire policée, celle de Callot ou de Pinet, mais la vraie, celle des élèves et des tradis sus-évoquées. Bref, le livre que je rêvais d’écrire !
Ce pavé, je l’ai dévoré. Car j’ai eu l’impression de lire nos souvenirs, MES souvenirs, pas ceux de la Montagne, ceux du plâtâl. {…]
X-Minne vole un képi ? Aujourd’hui aussi. Babar se fait remonter les bretelles par un général riant sous cape ? Aujourd’hui aussi. Fred nablate le Styx… Aujourd’hui aussi. Les missaires sautent en parachute et jouent au rugby ? Aujourd’hui aussi.
[…]
Cet ouvrage, le premier depuis Callot, écrit à la gloire des tradis et de l’esprit frondeur, marquera. Il servira très probablement de référence à des générations de missaires, ou d’assimilés, ou même à de simples cocons, qui, dans l’obscurité des souterrains du plâtâl, se rêveront en Babar, X-Minne, Daniel, JCD ou Fred.
Merci les antiques, dont j’admire la jeunesse d’esprit. Je ne peux que vous remercier d’avoir ainsi transformé ce pavé en un monument, apportant ainsi votre pierre à l’édifice (ça c’est pour commencer à habituer le lecteur au type de calembours que vous rencontrerez dans les 450 pages à venir) que nous sommes quelques uns à restaurer amoureusement depuis 25 ans : une École Polytechnique qui est grande et exceptionnelle, non (seulement) par ce qu’on y apprend, mais par ce qu’on y devient.
J’ai l’immense satisfaction de voir que le travail, entrepris en 86, de restauration de 170 ans d’histoire, est très largement une réussite. Je n’ai donc plus qu’à prendre la posture de l’ancien combattant. C’est probablement à cela que je dois l’immense honneur d’avoir ouvert le « pavé »
Serge Delwasse
GénéK 86